En collaboration avec le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, la Ferdi et l’Iddri, réunis sous l’Initiative pour le développement et la gouvernance mondiale (IDGM) ont organisé un atelier de consultation sur les financements innovants.

L'atelier visait à recueillir le témoignage de praticiens, financiers, investisseurs, experts et chercheurs  sur le bilan qu’il est possible d’établir des mécanismes innovants de financement du développement et à discuter des perspectives qu’offrent chacun d’entre eux ainsi que des possibilités de les répliquer à des domaines parmi les plus sous-financés.

Il était attendu que chaque intervenant apporte des éléments contribuant à établir un bilan sur ce qui a marché et ce qui a moins bien fonctionné. Discussion sur les perspectives qu’offrent ces leçons en matière :

  • de « réplicabilité » à d’autres secteurs ;
  • d’efficacité de la coopération au développement ;
  • de capacité à couvrir les besoins financiers

Contexte

Avec l’adoption de l’Agenda 2030 et des Objectifs du développement durable (ODD) se pose notamment la question du financement des activités contribuant à la réalisation de ces objectifs. Si l’ordre de grandeur des besoins de financement a de quoi donner le vertige (les Nations unies parlent de plusieurs milliers de milliards de dollars annuels pour atteindre les ODD (CNUCED, 2014)), la question est surtout de trouver comment drainer les importantes ressources disponibles à travers le monde vers le financement de ces objectifs.
L’aide publique au développement (APD) étant largement insuffisante pour couvrir le besoin de financements des ODD, la mise en place de mécanismes capables d’orienter utilement les ressources disponibles en faveur d’un développement durable nécessite d’innover.
C’est ainsi qu’un ensemble de pratiques et de mécanismes financiers ont vu le jour, visant à récolter des ressources en faveur du développement, additionnelles à l’aide telle qu’elle est traditionnellement mobilisée, et à optimiser leur impact. Ces financements, dits « innovants », sont également supposés se caractériser par leur prévisibilité, leur stabilité, et leur pérennité.

Les mécanismes financiers innovants

Utilisé dans des acceptions variées, le terme de « financement innovant » ne doit pas être trompeur. Il existe en effet une large gamme de financements innovants. Certains parmi les plus anciens visent à accroître les moyens disponibles en faveur de la politique de développement ou d’un objet lié à celle-ci. D’autres de conception plus élaborée et plus récente associent la notion de résultats à celle de la mobilisation de fonds additionnels. Le rapport Dalberg (2014) estime les financements innovants pour le développement mobilisés entre 2001 et 2013 à 100 milliards de dollars US avec une croissance annuelle du volume de 11% par an[1]. Pour faire le point sur les financements innovants, il est nécessaire d’en distinguer plusieurs catégories.

Une première regroupe des mécanismes considérés comme innovants par leur capacité à mobiliser des ressources supplémentaires en faveur des politiques de développement. Il s’agit la plupart du temps de mécanismes financiers adaptés à des situations spécifiques ou appliqués à des objets particuliers. Au sein de cette catégorie, on peut distinguer deux groupes.

  1. Le premier est constitué par les nouvelles assiettes fiscales, notamment liées à la mondialisation, comme les billets d’avion, les transactions financières, les transactions de dioxyde de carbone ou les ressources extractives, qui permettent de redistribuer une partie du fruit de ces activités. Si le principe d’une taxe est ancien, son application à de nouveaux objets est considérée comme innovante et permet de dégager des ressources nouvelles. Les potentialités de la fiscalité internationale en faveur du développement restent importantes.
  2. Le second réunit les mécanismes innovants par la recherche d’effet de levier comme les garanties[2] et le mixage de ressources publiques et privées[3].

Une seconde catégorie de financements innovants rassemble des mécanismes dont l’objectif principal est l’atteinte de résultats. Au sein de cette catégorie, on trouve :

  1. L’investissement d’impact (ou de mission) dont le but est de générer des impacts sociétaux (sociaux et/ou environnementaux) en parallèle d’un retour financier. Ce capital-investissement cible « des entreprises à fort impact sociétal et/ou trop petites pour rentrer dans les critères des investisseurs traditionnels »[4].
  2. Des mécanismes basés sur des contrats entre un acteur public et une entité publique ou privé conditionnant le paiement de la prestation à un résultat à atteindre. Ici, l’entité chargée d’atteindre le résultat mutuellement défini finance tout ou partie des coûts de mise en œuvre du projet ou du programme et se verra rétribué ou pas par l’acteur public selon les résultats produits au cours ou à la fin du projet/programme[5].

Les « Development impact bonds » et « Social impact bonds » sont une forme particulière et relativement nouvelle de ces mécanismes. Ils visent à faire financer par des investisseurs externes des prestations de service public assurées par un prestataire privé. Le donneur d’ordre public rembourse et rémunère in fine les investisseurs selon le résultat produit. Le retour sur investissement est donc conditionné à l’atteinte de résultats préalablement définis et mesurés par une autorité indépendante. Il s’agit là aussi de contrats (et non pas d’obligations). L’une des forces de ce genre de mécanismes est que les investisseurs ont autant intérêt que l’autorité publique à ce que le prestataire produise les résultats attendus.

  1. On peut également inclure ici les obligations thématiques, comme les obligations vertes (ou « Green bonds »), qui visent à orienter les investisseurs vers des projets soucieux d’une cause pour laquelle les outils classiques de financement peinent à produire un résultat. Elles sont émises par des banques publiques de développement, des collectivités territoriales, des grandes entreprises, ou des États.

Une troisième catégorie rassemble les mécanismes dont le potentiel d’innovation se trouve dans les modalités de financement :

  1. Les mécanismes originaux de gestion de la dette comme les prêts indexés sur le PIB et autres instruments contra-cycliques[6] et les échanges de dettes (« Debt-swap »).
  2. Les mécanismes de financement basés sur l’émission d’obligations qu’un groupe de bailleurs s’engage à rembourser à terme, en vue d’assurer le financement de la fourniture immédiate d’un service public qu’un pays en développement ne parvient pas à financer seul. C’est par exemple le cas de la Facilité internationale pour le financement de la vaccination (Iffim).
  3. Les mécanismes visant à créer un marché comme la Garantie de marché (AMC) de Gavi par laquelle les donateurs s’engagent à financer l’achat de vaccins à long terme afin d’inciter les laboratoires à développer ces vaccins et à les vendre à prix abordables.
  4. Dans le domaine climatique, il existe de nombreux instruments spécifiques. Citons par exemple les assurances indicielles, les dispositifs flexibles d’épargne, les crédits adaptés pour faire face aux risques liés aux catastrophes naturelles, ou encore les mécanismes de type « compensation carbone » basés sur des principes de marché comme le paiement pour services environnementaux tel que REDD+ pour les forêts (Angelsen, 2015).

Ces mécanismes cherchent à concilier les impératifs de marché avec l’intérêt public. Ils s’avèrent particulièrement en ligne avec l’esprit du Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement (Nations unies, 2015) et celui des ODD.

Une autre dimension du sujet est l’innovation technologique au service du financement du développement. La digitalisation de l’économie et des pratiques courantes, notamment bancaires, offrent de nouvelles opportunités de mobilisation de fonds comme avec le développement des dons par SMS et un plus large accès des populations aux mécanismes de financement classiques de l’économie[7]. C’est un aspect que les discussions prévues dans le cadre de cet atelier devront intégrer.

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[1] Dalberg (2014) ne considère que les mécanismes dont les ressources sont allouées aux pays en développement. Sont exclus les partenariats public-privé et les obligations finançant les infrastructures.  

[2] Voir notamment Benn et al. (2015). Une étude de cas sur les garanties appliquées au financement des villes a été menée par l’Iddri (Criqui et Vaillé, 2017)

[3] Voir notamment Benn et al. (2017), OCDE (2018)

[4] https://blog.secteur-prive-developpement.fr/2016/06/06/promouvoir-durablement-les-petites-entreprises-africaines-le-defi-des-investisseurs-de-mission/

[5] Dans une certaine mesure les partenariats publics-privés peuvent être considérés comme une forme simple de financement innovant

[6] Voir notamment Panizza (2015)

[7] La digitalisation a bien d’autres conséquences sur le financement des économies (la révolution de la « blockchain » par exemple) mais il n’est pas possible de tout aborder dans un atelier.

Références

Chapitres de l’ouvrage Financer le développement durable. Réduire les vulnérabilités, Boussichas, M. et Guillaumont, P. (Economica), 2015 :

  • Angelsen, A. (2015) « All You Need Is Cash (for REDD+)? »
  • Benn J., Sangaré C. et Mirabile M. (2015), « Potentiel et perspectives de l'utilisation des garanties pour le développement »
  • Douste-Blazy, P. et Filipp, R. (2015), « Les financements innovants pour le développement »
  • Jacquet, P. et Pande, V. (2015), « Financer la solidarité internationale: une question d’innovation »
  • Panizza, U. (2015), « Soutenabilité de la dette dans les pays à faible revenu : le débat « prêts ou dons » sans boule de cristal »

Benn, J., Sangaré C.  et Hos T. (2017), « Amounts Mobilised from the Private Sector by Official Development Finance Interventions: Guarantees, syndicated loans, shares in collective investment vehicles, direct investment in companies, credit lines », OECD Development Co-operation Working Papers, No. 36, OECD Publishing, Paris. http://dx.doi.org/10.1787/8135abde-en

Clarke, D., de Janvry, A., Sadoulet, E., Skoufias, E. (eds.) (2015), Disaster Risk Financing and Insurance: Issues and Results, Ferdi, 105 p

CNUCED (2014), World Investment Report: Investing in the SDGs, an action plan, Nations unies, New-York et Genève

Criqui, L. et Vaillé, J. (2017), « Les garanties pour le financement des villes en développement : un outil prometteur pour les bailleurs ? », Iddri Issue Brief n°04/17, Juillet 2017

Dalberg (2014), Innovative Financing for Development: Scalable Business Models that Produce Economic, Social, and Environmental Outcomes, AFD, City, GDI, Dalberg

Mathonnat, J. et Pélissier, A. (2017), « How a results-based financing approach can contribute to the health SDGs: policy-oriented lessons from what we do know and do not yet know », Iddri Case study

Nations unies (2015), Addis Ababa Action Agenda of the Third International Conference on Financing for Development (Addis Ababa Action Agenda). Nations unies, New York. http://www.un.org/esa/ffd/wp-content/uploads/2015/08/AAAA_Outcome.pdf

OCDE (2018), Making Blended Finance Work for the Sustainable Development Goals, OECD Publishing, Paris. http://dx.doi.org/10.1787/9789264288768-en

Programme

08h30  Accueil des participants

09h00  Propos introductifs – Cyrille Pierre (MEAE) et Patrick Guillaumont (Ferdi)

09h05  Keynote – Mariam Jashi, Présidente du Groupe pilote sur les financements innovants pour le développement

09h20  1ère session – Mobilisation innovante de ressources supplémentaires

9h20     Les nouvelles assiettes fiscales

9h50     Mécanismes de mixage et garanties pour le développement

10h30 Pause-café

10h40  2ème session – Le recherche innovante d’impact

10h40 Impact Investment, Paiements sur résultats et obligations thématiques

11h45  Débat avec la salle

12h00  3ème session – L’innovation par les modalités de financement

12h00 Gestion innovante de la dette, Financements climat, Autres mécanismes et aspects des financements innovants

12h30 Débat avec la salle


L'initiative pour le développement et la gouvernance mondiale (IDGM)

L'initiative pour le développement et la gouvernance mondiale (IDGM) vise à favoriser l’émergence d’une capacité française et francophone, dans un cadre européen, à produire des idées et à influencer le débat international dans le domaine du développement international. Cette initiative, qui réunit l’Iddri et la Ferdi, bénéficie d’un soutien public à travers l’Agence française de développement (AFD).
 
En savoir plus :
www.idgm.org